« Ma grande chérie, Ma petite Isabelle adorée, Ma douce Isabelle, Ma gentille Isabelle, Ma tendre Isabelle.»
« Cela serait un paradis si nous étions ensemble. »
« Je ne souffre que de votre absence car autrement rien ne me manque. Mille baisers de votre Marius pour la vie. »
« Je vous aime et suis à vous pour la vie. Votre Marius qui vous adore. »
Le sergent-major Marius termine invariablement ses courriers avec une formule tendre, différente à chaque fois. On lui connaissait François, puis Arsène, et voilà qu’apparaît un nouvel homme dans la vie d’Isabelle, un certain Marius. Un homme éperdu d’amour pour la jeune femme.
Marius est prolixe, il nous fournit de très nombreuses informations. Ces dernières permettent de reconstituer une frise chronologique tout à fait plausible. Les deux jeunes gens se rencontrent à Torcy. Probablement chez Charles Choquet, charpentier et maire de Torcy, voisin des Massé. Marius y accompagne son ami, Marius Corot, ferronnier de son état. On peut imaginer que Marius Corot et Charles Choquet sont en affaires.
« Je me souviens aussi de M. Charles Choquet, je suis allé un jour chez eux, avec Mr Massé et Marius, pour y arranger je ne sais quoi, il nous a offert la goutte. »
Qui sont les Corot pour Marius ? Des amis ? Des cousins éloignés ? On ne sait pas. Marius parle de Marie Corot comme d'une sœur, qui lui écrit régulièrement et lui envoie de l'encre pour qu'il réponde, et de Marius Corot son époux comme d'un ami à qui il aurait confié ses sentiments concernant Isabelle. Il lui confie aussi ses économies. Ce sont donc des amis très proches, une grande confiance lie les Corot à Marius. Ils vivent à Montzeron, à quelques kilomètres de Torcy.
La date de la rencontre des deux jeunes gens reste incertaine. En tant que soldat, on peut imaginer que Marius n’était pas à Torcy avant la fin de la guerre, en novembre 1918. Et on devine que Marius et Isabelle se connaissaient déjà le 22 février 1919, jour de la fête de la Ste Isabelle. Marius y fait référence un an plus tard, dans un courrier du 22 février 1920.
Notre soldat rencontre Isabelle. Ils se plaisent et tombent amoureux. La guerre est finie, l’heure est aux réjouissances. Mais Isabelle part au Havre, Marius à Bordeaux, pour prendre ses instructions d’affectation. Les premières missives s’échangent. Passionnées.
Dans ce premier courrier daté du 2 juillet 1919, Marius répond à une lettre d’Isabelle envoyée le 30 juin. Isabelle est déjà au Havre. chez M. et Mme Bréard. Elle s’inquiète des plans de Marius, elle s'enquiert des dates où il prévoit de rentrer. Elle est en train de projeter la suite. L’idylle est ouvertement explicite.
Bordeaux le 2 juillet 1919
« Vous me demandez aussi la durée de mon séjour au Congo, ce séjour est fixé à 20 mois de présence effective et il y a lieu de lui ajouter les 2 mois de voyage. En vérité, je prévois mon retour en Août 1921, afin de passer la bonne arrière saison avec vous. Je serai définitivement libéré le 14 janvier 1922. Mais si je rentrais en Août ou Septembre, il est probable que je resterais en congé jusqu’à libération.
Vous me demandez aussi combien d’années j’ai vécu au Congo, ma gentille Isabelle, j’y suis resté exactement 54 mois d’un seul séjour.
Vous craignez déjà que je reste trop longtemps sans vous écrire pour cause de maladie, il ne faut pas songer à cela, ma chérie, vous ne demeurerez pas dans l’attente et chaque courrier vous apportera mon long bavardage. Toutefois, afin de satisfaire votre désir, vous pouvez vous adresser au Commandant Militaire de l’Oubangui-Chari, à Bangui, Afrique Equatoriale Française, car j’ai toujours l’intention d’aller jusque là. ».
Ce courrier nous permet d’en apprendre plus sur le personnage de Marius. Il s’appelle possiblement Marius Jean. Il est sergent Major dans le Bataillon n°3 (mais de quel régiment ?)
Il a fait déjà un long séjour au Congo, qui débute en 1912. L’Afrique Equatoriale Française créée en 1910, regroupe alors un vaste territoire, les quatre colonies : le Gabon, le Moyen-Congo, l'Oubangui-Chari et le Tchad. Elle borde le Cameroun, alors colonie allemande (Kamerun). La Première Guerre Mondiale éclate. Le Kamerun sera conquis le 20 février 1916 par les forces belges, britanniques et françaises. Il est tout à fait possible que Marius y ait participé.
Il rentre en Europe fin 1916 ou début 1917. Rien n’indique ce qu’il a fait alors, ou s’il participe aux combats sur le territoire. On le retrouve en Bourgogne à la fin de la guerre, il loge chez les Corot.
Puis, Marius repart en Afrique, une nouvelle affectation de 20 mois, entre août 1919 et janvier 1922. Ce militaire des colonies occupe une fonction administrative. Il précise qu’il « a l’intention » d’aller jusqu’à Bangui. Il doit incontestablement avoir une certaine latitude dans ses actions.
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