Et si la clé de toute cette sombre histoire était en fait dissimulée dans cette unique question : « qui est le père ? ». Une question à laquelle il faut surtout, absolument, désespérément, ne pas répondre. Et pour ne jamais avoir à y répondre, il suffit de ne jamais la laisser poser... Quelle que soit la personne dont on parle.
Une question défendue. Indicible. Impensable.
Question que pendant plus d'un siècle, chacun aura sagement évitée. Surtout ne pas ne serait-ce qu’envisager la question. Et si le secret à conserver à tout prix n'était pas celui de la fille (qui n'avait jamais été vraiment secret) mais celui de la mère ?
Si l’injonction “Se taire” avait été héritée ? On sait pouvoir hériter de nombreuses choses, du patrimoine immobilier au patrimoine génétique. Et si l'on héritait aussi d'une injonction à taire une question, à l'interdire ?
Le poids du secret aurait été tel dans le cœur de Marie qu'elle n’aurait pas entrevu d’autres solutions pour sa fille. Quand Isabelle s'était retrouvée dans une situation identique à celle de sa mère, enceinte sans être mariée, le risque aurait été trop grand pour Marie de voir ressurgir la question Qui est le père ? Elle devait, à tout prix, faire en sorte que cette interrogation n’effleure personne.
Dans ce devoir qu’elle s’imposait, Marie aurait choisi l’option qui lui semblait la plus logique, à savoir interdire la question, la rendre tabou, imposer le silence, faire taire.
Effacer le nom de l’amant d’Isabelle... Jusqu'à effacer Isabelle de la mémoire des siens. Effacer le prénom même d’Isabelle de sa pierre tombale. Dût-elle effacer par la même occasion son propre prénom sur sa propre tombe...
Terrible enchaînement en cascade qui part d’un sujet intime et personnel, que l’on garde au creux de soi, légitimement somme toute, et qui finit sur une pierre tombale qui hurle son silence.
La culpabilité de Marie Domino a coûté bien cher à sa fille et à toute sa lignée après elle. Ce n’est pas un hasard, si un siècle plus tard, une banale réunion de famille s’est enflammée : nul ne peut soupçonner les répercussions de ses actes sur les générations qui suivent.
Ce livre est dédié à toutes les personnes concernées. Son objectif était de retracer ce qui avait été gommé. C’est chose faite.
De la mémoire des descendants, une sœur avait été effacée. Isabelle aurait pu être ensevelie sous un secret familial. Ce ne sera pas le cas.
Un jour de juin 2014 en a décidé autrement.
- Fin -
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