Le monument aux morts de Torcy se trouve à l’entrée du cimetière.
Situé légèrement en dehors du village, sur la route de Pouligny, le cimetière se cache derrière une haute haie verdoyante.
Une première partie à l'avant est aménagée, une sorte de sas entre la route et les tombes. C'est à cet endroit qu'est installée la petite obélisque, gravée d'une liste de noms à la mémoire de ceux du village tombés lors de la Première Guerre Mondiale.
Presque en bas de la liste, F. Dupaquier.
Etrange impression que de découvrir, là, ces lettres gravées. Au-delà de la confirmation des faits évoqués lors de la cousinade, c'est comme si l'Histoire avait prévu un jeu de piste où il faut observer, détecter des indices, enquêter… Tout est écrit (ici, jusqu’à être gravé dans la pierre), cependant il faut savoir observer et bien en noter les détails.
La partie principale du cimetière est accessible, au-delà d'un mur percé d’une grille en fer forgé. Les tombes sont réparties de part et d’autre d’une allée centrale. À droite, juste en entrant, trône le caveau Massé, une place de choix pour cette magnifique pierre tombale. Et pourtant, celle-ci amène plus de questions que de réponses.
Si l'on observe les autres tombes datant de la même époque, d'un coup cela saute aux yeux : sur certaines la dalle est piquée, d’autres sont nettement rongées par le temps, d’autres encore sont brisées, avec des morceaux de stèle jonchant le sol à proximité. Aucune autre ne présente un marbre noir aussi impeccable. On croirait le caveau tout juste refermé.
Quelques recherches vont nous apprendre une anecdote. À l’époque de Louis Massé, le père d'Augustin, le cimetière à proximité de l’église était problématique. Comme un peu partout en France à la même époque, il était question de déplacer les cimetières en dehors des bourgs pour limiter les risques de contagions et accessoirement gagner de la place au centre des villages. Pour faciliter la transition, Louis Massé aurait accepté de céder une partie de son terrain mais sous condition. Donnant donnant, le terrain pour le cimetière en échange d’une concession bien placée, concession que l’on trouve donc à droite, tout de suite en entrant dans le cimetière.
Sur la pierre tombale sont gravés des noms de famille. Sur le cartouche du milieu, on lit Massé, Garraut et Marsot. Massé, c’est pour Louis, le patriarche. Et Garraut, le nom de jeune fille de Léonie, son épouse. Paul Massé doit aussi être enterré là, puisque le nom de son épouse, Louise Marsot, y figure. Dans le cartouche de droite, Massé et Domino. Cela désigne forcément Augustin et Domino se rapporte à Marie. Le troisième emplacement, dans le cartouche tout à gauche de la pierre tombale, est vide. Il reste muet, aucun nom…
Mais le plus étrange, c'est l'absence de prénoms. Et l'absence de toute date. Une autre époque, avec d'autres us ? Non. Toutes les autres tombes, quelle que soit l'époque, mentionnent les prénoms ainsi que les dates de naissance et de décès. C'est d'ailleurs une caractéristique humaine universelle. Ces inscriptions sont la façon que notre civilisation a choisie pour honorer la mémoire des disparus. Une façon aussi de raconter quelque chose aux vivants qui passent devant la tombe.
Né en 1926, mort en 1930. Le petit n'avait que 4 ans. À côté, 1899-1966, le même nom de famille et un prénom masculin. Un papa inconsolable s'est fait enterrer auprès de son petit. Et soudain la pierre, dans son immuable minéralité, se met à raconter une histoire de vie et d'émotion.
N'est-ce pas l'apanage des humains que de raconter des histoires ?
Sur le marbre noir du caveau Massé, pas de prénom, ni de dates. Un peu comme si quelqu'un avait voulu empêcher ce tombeau de nous raconter son histoire. Mais pourquoi ?
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