Voilà la source de l'indignation qui dominait à présent l'assemblée des cousins. Marie était déjà enceinte de plus de deux mois le jour de son mariage.
Comment avait-elle pu ?
L’indignation se répandit dans la salle des fêtes, un incendie embrasant les esprits. Chacun donnait de la voix. Chacun y allait de son couplet. Les esprits s'échauffèrent, la colère était manifeste.
Quand soudain une voix blanche s'éleva : “Mais si ça se trouve… “
Si ça se trouve, Augustin n'est pas le père d'Isabelle ! Oui, c’est tout à fait envisageable.
Si ça se trouve, les seuls descendants des sœurs Massé à porter aujourd’hui le nom de « Massé », ce pourrait être les seuls, ici présents, à ne pas être des descendants Massé !
Coup de tonnerre sur la cousinade !
Alors que l’on croyait le match plié, que chacun se voyait rentrer chez lui comme on retourne au vestiaire après une rencontre disputée, la partie était relancée. La question initiale - Qui est le père ? - à propos de notre Effacée, nous avions cru en être débarrassé. Il nous semblait qu'à force d’en avoir fait le tour, à force de l’avoir pressée, nous en avions extrait toute la vérité. Et voilà que cette même question refaisait surface, de la manière la plus inattendue.
Qui est le père ?
Cette question ne s'appliquerait pas à la bonne personne... La cible ne serait pas celle que l’on croyait. Et si la vraie question (de celles qui fâchent) n'était pas : qui était le père de Petit Jean ? Mais plutôt : qui était le père d'Isabelle ?
La question, plus que légitime, avait des accents cornéliens... Dans l’assistance, il se trouva quelques esprits, certainement échauffés par le vin, prêts à faire appel à la science pour en avoir le cœur net. Des tests ADN et l’histoire serait réglée ! On saurait vite où coule le sang Massé.
“ Peut-être qu'Isabelle était le fruit d’un viol ? Peut-être, oui. Ça pourrait tout expliquer. ”
“ Ou peut-être s’agissait-il d’inceste ? Ce n’était peut-être pas sa faute ? “
Peut-être, peut-être, peut-être... Les peut-être s'enchaînaient, amenant des théories toutes plus terribles les unes que les autres.
Comme si l’effacement d’Isabelle devenait moins violent avec l'hypothèse d'une violence plus ancienne faite à sa mère, comme si l’important, c’était de dédouaner, d’excuser, de trouver des circonstances atténuantes à Marie…
Qui est le père ?
Et si la réponse à cette question était moins importante que la question elle-même ?
コメント